Je suis centrafricain mais pas barbare…
Un jeune homme a pété les plombs. Il a voulu en mettre plein la vue aux gens et a mordu à pleines dents dans le bras d’une personne qu’ils venaient de lyncher…
En moins de 24 h l’image fait le tour de la planète…Et les questions fusent. Il ya ceux qui me demandent de leur en dire plus. Ceux qui veulent savoir si je connais d’autres
cas de cannibalisme en RCA ou si je connais quelqu’un qui aurait immortalisé la scène…
C’est à-peine si l’on me demande « Est ce que vous mangez de la chair humaine en Centrafrique ? »
Les gens généralisent, spéculent, confondent les victimes aux bourreaux et pendant ce temps les centrafricains ne voient pas le bout du tunnel. Pendant qu’une nouvelle page de l’histoire de la Centrafrique est ouverte. Et qu’une femme est élue pour conduire la transition jusqu’à des élections démocratiques. Le Centrafricain vit encore dans les camps de réfugiés, dans la peur des milices armées et de la coalition seleka….
Oui, je suis centrafricain mais pas barbare, je ne suis ni pro-seleka ni pro-anti-balaka. Je suis journaliste et blogueur, dans mon pays j’étais un animateur-radio vedette. Je suis Coordonnateur national des medias chez Invisible Children…Et…Depuis quatre semaines je suis parti de la Centrafrique.
Il y’a huit mois à l’arrière le monde était quasi-indiffèrent à tout ce qui se passe en Centrafrique. Il a fallu que des gens comme moi crient urbi et orbi qu’en RCA il ne se passe pas un jour sans qu’il y ‘ait exaction, viol, vol, crimes de guerres, crimes contre l’humanité etc. pour que la communauté internationale daigne se pencher sur la crise en RCA.
La coalition rebelle qui a prit le pouvoir en Centrafrique le 24 Mars 2013 estime que dénoncer les exactions qu’elle commet c’est la diaboliser et c’est ternir l’image du pays. Les nostalgiques de l’ancien régime considèrent comme pro-seleka tous ceux qui dénoncent leur volonté de reprendre le pouvoir par tous les moyens et à tout les prix.
Aujourd’hui je vis à Paris hors de portée des balles de la seleka. Quand je demande de leurs nouvelles mes amis me disent : « toi au-moins tu l’as échappé belle ». Ils me considèrent tous comme un privilégié, un chanceux.
Cependant je vis avec le cœur lourd… à chaque fois que mon téléphone sonne je me demande quelle nouvelle va t-on m’annoncer ? L’assassinat d’un autre proche ?
Pour la plupart de ceux qui me côtoient à Paris je suis un centrafricain…C’est à dire pour beaucoup « des gens qui s’entretuent, qui lynchent dépècent égorgent »…Seulement je connais plus de cent mille centrafricains qui sont réfugiés à l’aéroport Bangui M’poko et qui n’aspirent qu’à la paix, qui soupirent après la sécurité pour pouvoir rentrer chez eux.
Ils ne sont pas des génocidaires. Des milliers d’autres centrafricains sont refugiés dans des conditions d’hygiène exécrables dans les camps, au Monastère, dans la brousse pour fuir les hostilités. Ce sont de pauvres victimes, arrêtez de les considérer comme des barbares. Ils subissent une guerre déclenchée par un groupuscule de politicards. On a d’un côté des personnes qui vendraient leurs âmes au diable pour reprendre le pouvoir et d’un autre côté des gens qui sont prêts à toutes les abominations pour conserver un pouvoir qu’ils ont conquis au prix du sang.
Au milieu, tout un peuple pris en otage et que les gens considèrent comme…barbares…
Ma famille, mes amis, mes proches n ‘ont jamais lynché, dépecer qui que ce soit. Ceci malgré que nous avons perdu des proches.
Tout ceci n’est qu’une question de pouvoir : Le pouvoir tant convoité, le pouvoir mal acquis, le pouvoir mal géré, le pouvoir non-partagé…Et le peuple souffre et le peuple meurt mais ils n’en démordent pas c’est le pouvoir qui les intéressent. C’est le pouvoir qu’ils veulent par tous les moyens…
Je ne nie pas qu’il ya eu des actes génocidaires, barbares et inhumains perpétrés sur des innocents en Centrafrique. Seulement, les auteurs instigateurs de ces exactions, les principaux responsables sont connus…et ne sont pas inquiétés. Il y’en a un qui vit tranquille quelque-part au Bénin. Oui, je suis Centrafricain mais pas l’un ces desperados. De grâce, arrêtez de nous confondre
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