Journalistes réfugiés en France : faut-il changer de métier pour survivre ?

Article : Journalistes réfugiés en France : faut-il changer de métier pour survivre ?
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4 juillet 2014

Journalistes réfugiés en France : faut-il changer de métier pour survivre ?

Fuyant la répression dans leur pays d’origine pour trouver refuge à Paris, d’innombrables journalistes se retrouvent confrontés au problème du chômage. Le métier de journaliste en France est-il réservé aux Français ou ressortissants d’école de journalisme en France ? Samy Daina, caricaturiste et dessinateur de presse réfugié politique à Paris depuis 2008, nous raconte son expérience.

Arrivé à Paris en plein hiver de l’année 2008, Samy Daina a été accueilli par la Maison des journalistes. Une association qui accorde logement et accompagnement pour une durée de six mois aux journalistes réfugiés en France. Samy a obtenu son statut de réfugié politique il y a 6 ans. Et depuis, il vivote et peine à tirer son épingle du jeu. Ce dessinateur de presse est le seul des quatre anciens résidents de la Maison des journalistes que nous avons contactés qui a accepté de répondre à nos questions.

Qui est Samy Daina

Né à Ndjamena au Tchad le 23 janvier 1982, Samy Daina a passé une bonne partie de son enfance en République démocratique du Congo ex-Zaïre. C’est dans ce pays qu’il a appris le dessin. De retour dans son Tchad natal en 1999, il est vite repéré et recruté comme caricaturiste par le journal  « Ndjamena bi-hebdo ».deby2

Samy collabore en même temps avec plusieurs journaux de son pays et devient membre de l’Association ABC (Atelier Bulles du Chari) qui regroupe tous les bédéistes de la région. Il participe ensuite à l’album collectif  » La grande épopée du Tchad  » et sera invité au Festival d’Angoulême en 2006. En plus du travail qu’il fait pour le compte de journaux du Tchad, il anime son propre blog de dessin, (Le blog se Samy Daina).

Comme c’est le cas dans plusieurs pays d’Afrique les caricatures de Samy qui illustrent parfaitement le paysage ainsi que l’actualité sociopolitique de son pays, ne plaisent pas au régime de l’homme fort du Tchad, le colonel Idriss Déby Itno.saute

Samy est donc contraint de quitter son pays pour fuir les menaces de mort qui pèsent sur sa personne. En 2008, juste quelques mois après son arrivée à Paris, l’Office français pour la protection des réfugiés et apatrides lui accorde le statut de réfugié politique. Il obtient le droit de chercher et exercer un emploi. C’est à ce moment que les problèmes commencent.

Fin de recrutements en France

Six ans de chômage en France, pour quelles raisons ? Samy déclare qu’il est « difficile même pour les journalistes français ressortissants de grandes écoles de journalisme ici en France de trouver un contrat CDI (contrat à durée indéterminée).  A plus forte raison pour un réfugié qui débarque d’un pays du tiers monde et qui ne maîtrise pas forcément le microcosme médiatique français. »

Si les règles, la déontologie et l’éthique du journalisme sont universelles, à Paris le contexte est différent. Les journalistes réfugiés se retrouvent en concurrence avec de vraies machines formées pour tout faire : production-web, montage vidéo, audiovisuel et qui plus est, sont capables de produire une dizaine d’articles par jour. Ces derniers aussi commencent pour la plupart comme pigistes dans les rédactions en attendant qu’un poste se libère.

Une question de chance

A la question de savoir s’il est impossible de continuer son métier de journaliste quand on est réfugié à Paris, Samy répond : « C’est très rare, parmi les anciens résidents de la Maison des journalistes, seuls quelques rares chanceux sont restés dans le métier ». Il cite l’exemple de Soro Solo qui coanime l’émission l’Afrique enchantée avec Vladimir Cagnolari sur France Inter.

Pour d’autres l’un des facteurs les plus discriminants, c’est la barrière de la langue. C’est le cas de Mahamoud (nom d’emprunt), journaliste syrien qui requiert l’anonymat, et qui est lui aussi ancien résident de la Maison des journalistes. Il estime que la langue reste son facteur disqualifiant. « Je suis resté des mois à apprendre le français, et depuis un an je n’ai pas un niveau de langage me permettant de travailler comme journaliste dans un média français », dit-il. Cependant, les francophones ne s’en sortent pas mieux.

Face à l’échec, que deviennent les journalistes réfugiés à Paris ? Marc (nom d’emprunt) est serveur dans un restaurant parisien. Roger (nom d’emprunt) travaille comme agent de sécurité. Tous les deux ont d’abord accepté une interview avant de me préciser qu’ils souhaitaient tirer un trait sur le passé et par conséquent ne pas témoigner.

Obtenir le statut de réfugié politique en France n’est pas chose facile, mais les journalistes doivent vite déchanter. La vie est dure dans la capitale, il faut survivre et ils se retrouvent rapidement devant un dilemme : s’obstiner à chercher un poste de journaliste qu’ils risquent de ne jamais trouver ou entamer une reconversion pour survivre.

Ce qui le sauve

Le cas de Samy est un peu spécial, même s’il n’arrive pas à trouver de contrat avec un média français, son côté artiste lui ouvre plusieurs portes. Par exemple, il organise en ce moment une exposition dessins avec d’autres dessinateurs français. Ce qui n’est pas forcément donné à un journaliste radio ou télé.

La France, pays des droits de l’homme, en accordant l’asile politique à des journalistes qui se battent pour la liberté de la presse, ne participe-t-elle pas à bâillonner cette même liberté en n’offrant aucune chance à ses défenseurs de continuer à s’exprimer sur son sol ?

A suivre (ce reportage complet en vidéo)

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Commentaires

Abidjanais
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Vivement la suite de ce reportage...

Chantal
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Excellent billet de plaidoyer. J'espère que les concernés agiront pour un début de changement

taburbain
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La force de l'homme se trouve parfois aussi dans sa capacité à s'adapter à toutes situations. Le monde capitaliste est entrain de vivre ses pires moments : le marché de l'emploi est saturé surtout dans les grandes villes occidentales où il y a de grands diplômés sortis de grandes écoles de formations, où certaines certains organes de presse réduisent le nombre de leur personnel pour faire des économies...................... Alors là il y a vraiment du pain sur la planche et l'homme, à de milliers de km de chez lui, doit retrousser les manches pour se battre afin de trouver quoi à manger. On ne sait pas toujours d'où vient le bonheur surtout dans ses moments catastrophiques. Avoir plusieurs cordes à son arc est bénéfique !!!!!!!!!!!!!!!!!!!!

Tjat Bass
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Qu'en est-il de toi Johnny?

RAMAROSAONA
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Dans cet article sur Samy Daina, le dernier paragraphe revient aux Français, à l'OFPRA et aux hauts dirigeants de ce pays. Et cela mérite réponse. A défaut,...
Voilà le paragraphe en question : "La France, pays des droits de l’homme, en accordant l’asile politique à des journalistes qui se battent pour la liberté de la presse, ne participe-t-elle pas à bâillonner cette même liberté en n’offrant aucune chance à ses défenseurs de continuer à s’exprimer sur son sol ?"