S.O.S : On extermine les centrafricains !

Article : S.O.S : On extermine les centrafricains !
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21 mai 2013

S.O.S : On extermine les centrafricains !

30 avril 2013 à Bangui: Le Ministre de la Justice Arsene Sendé a instruit le procureur Général de la cour d’Appel de Bangui d’ouvrir une procédure judiciaire sur les crimes et autres exactions commis sous le régime de l’ancien Président François Bozize… La fin de l’impunité en Centrafrique ? Faux ! Les centrafricains ne sont pas sortis de l’auberge.

Depuis le changement du 24 Mars 2013, il ne se passe pas un jour sans qu’une personne ne soit tuée en Centrafrique. Cependant, en dehors de la mise en garde de la Procureure générale de la Cour Pénale Internationale, ces exactions ne semblent préoccuper aucune juridiction tant nationale qu’internationale.

Dans le meilleur des cas, les nouvelles autorités de Centrafrique daignent donner une version officielle des faits dont tout le monde se contente. Ils cautionnent tous la mort d’innocents centrafricains. Un silence complice encourage les exactions et l’impunité augmente la frustration des victimes. Je vous fais juste le récit de quelques faits pour illustrer ces propos :

J’animais à l’occasion de la journée mondiale de la liberté de la presse 2013 une émission avec de jeunes journalistes centrafricains sur le thème « Parler sans crainte… »

Mes invités étaient : Hypolite Donossio journaliste, membre du Réseau des Journalistes pour les Droits de l’Homme et Correspondant de RFI à Bangui. Jesus yves Ganazoui Directeur de publication du quotidien Les dernières nouvelles. Et Jean Fernand Koéna journaliste au quotidien Centrafrique matin.
Écoutons ce dernier :

« (…) Je suis journaliste, je vis à Boy-Rabé dans le 4e arrondissement de Bangui. Le Dimanche 14 Avril très tôt le matin les éléments de la Seleka ont bouclé mon quartier, ils ont pillé des maisons, tué des gens et se sont livrés à des exactions de toutes sortes.

Pour le gouvernement c’était une opération de désarmement parce que des images horribles de cette descente de la Seleka ont circulé sur le web. Pour se blanchir devant l’opinion internationale la Seleka parle de désarmement. Mais pour moi qui suis témoin oculaire et qui ai vécu cet événement, ce n’en était pas un et quand j’écris ce que j’ai vu on me taxe d’être contre le régime en place et je fais objet de menaces… »

Comparons ensuite ce témoignage au récit du double homicide commis ce même dimanche 14 Avril 2013 au quartier Boy-Rabé. Témoignage recueilli par le Réseau National des ONG de Jeunesse en Droits de l’homme. Ces faits sont relatés par TOKO Faustin, le mari de la femme et père de la fillette, toutes deux tuées ce jour :

« Il était environ 10 heures du matin, nous nous étions enfermés moi, ma femme (POUNIKAKOLA Sandrine) et notre petite fille (TOKO Darine). Nous écoutions des coups de feu se rapprocher de notre maison. Peu après nous avons écouté une voix qui criait « dis-nous Simplice où se trouve la maison ? », et quelques instants plus tard on a constaté que les tirs étaient orientés sur le mur de notre maison, soudain juste derrière la porte on entendait « SIGUI » (sortez)  en ce même moment ils défoncèrent la porte.  Ma femme s’est levée avec notre fillette qui était sur ses genoux pour tenter de leur parler c’est en ce moment qu’un des éléments a tiré à bout portant sur elle et le bébé ; elles tombèrent raide mortes. Le bébé a reçu une balle dans la tête et sa mère quatre balles dont une à la tête et les trois autres dans la poitrine.

Trois autres éléments de la Séléka sont rentrés dans la maison, me tombaient dessus et commençaient à me tabasser (des coups de pieds avec des rangers à la poitrine, à la tête et des coups de cross d’arme). Ils me demandaient « où se trouvait le camion dont je suis le chauffeur » je leur répondis « à coté de la Maison Dorcas (ONG religieuse) qui se situait à peu près à trois (3) kilomètrent de chez nous » Ils m’ont traîné dehors, deux autres Seleka attendaient. Ils m’ont dit de les conduire là où se trouvait le camion.

Alors nous avons marché plus de trente (30) minutes avec des coups et menaces de mort bien sûr. Arrivés sur les lieux ils me dirent « si tu ne démarres pas ce camion, on va te tuer » ; étant le chauffeur du camion je l’ai démarré. Trois des cinq éléments sont montés dans le camion et me demandèrent de les conduire au quartier KM5 situé dans le 3ième arrondissement. Arrivés au KM5 aussitôt ils ont fait appel à un de leurs éléments qui pouvait conduire le camion et ils l’emportèrent loin pendant ce temps je suis resté avec les autres éléments de la Séléka jusqu’a ce que ceux qui ont amené le camion reviennent à bord d’un taxi course. Ils ont demandé au taximan de me ramener chez moi et eux sont partis à bord d’un véhicule pickup teinté.

A peine rentré nous avions enseveli ma fillette à coté de la maison familiale et sa mère le samedi 20 Avril 2013 au cimetière familial au village PATA  PK 60 route de Damara.

Je suis sûr de pouvoir reconnaître ces éléments de la Séléka qui ont tué ma femme et ma fillette.

Le mardi 23 Avril 2013 mon superviseur après des enquêtes s’est rendu là où était caché le camion avec une somme d’argent pour tenter de négocier et le récupérer. Malheureusement, il fut tabassé par les éléments de la Séléka sur place et celui qui a tué ma  femme et ma fillette lui a dit « je n’ai pas tué cette femme et cette enfant pour rien, je ne rendrai pas le camion ». Finalement, il  perdit les sous et est rentré sans le véhicule.

Hier, 19 Mai, dans la ville de Bouca, des hommes de la Seleka qui ne parlent ni français ni sango passent de maison en maison pour piller la population. L’un d’eux a violé une fillette de 13 ans et tous les habitants ont fui dans la brousse. Avant-hier un jeune qui pratique la lutte traditionnelle du nom de Maître John a été tué par des éléments de la Seleka au quartier Combattant dans le 8e arrondissement de Bangui. Le 16 Mai dans ce même quartier un autre jeune connu sous le sobriquet d’Eric Bawin a été enlevé puis assassiné la nuit.

On pourrait écrire un livre de plus d’un millier de pages sur les exactions de la Seleka. D’anciens détenus, voyous, rebelles sans foi ni loi qui sont aujourd’hui à la fois policiers, gendarmes, douaniers. Avec des armes entre les mains et sous l’œil couvert de la loi, ils se livrent tranquillement à des exactions sur la population civile.

Faudra t-il attendre un nouveau changement de régime pour qu’on demande l’ouverture d’une enquête sur ces crimes ?

En attendant, il faut juste prier pour ne pas se retrouver au mauvais endroit au mauvais moment. Car désormais la Seleka tue au moins une personne par jour. Et pour nous autres dont le boulot est de relater ces faits, c’est presque de la témérité, de la folie que de continuer à faire notre travail… Mais bon ce qui est sûr, c’est que même ceux qui ne font pas mon boulot, leur vie ne tient qu’à un fil dans ce bled qui hésite entre film horreur et apocalypse…

Dans un pays normal, on ouvrirait une enquête pour un vol à main armée, un kidnapping, un meurtre, un viol. Pourtant tous les jours que le bon Dieu fait toutes ces choses se passent en Centrafrique sans que personne ne s’en offusque.

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