Panorama des acteurs de la crise centrafricaine !

Article : Panorama des acteurs de la crise centrafricaine !
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28 avril 2013

Panorama des acteurs de la crise centrafricaine !

Voilà un mois déjà que le Général  François Bozizé est chassé du pouvoir. Un mois que le nouvel homme fort de Centrafrique Michel Djotodja Amnon Droko est aux commandes. Un mois que les centrafricains vivent l’une des périodes les plus sombres de leur histoire. Enfin un mois que la Séléka défraie la chronique des affaires criminelles. Essayons de considérer chaque acteur de la crise en vue de faire le point sur la situation qui prévaut actuellement en Centrafrique.

Commençons par celui qui a choisi la même destination qu’Ange Félix Patassé qu’il a chassé du pouvoir le 15 mars 2003. Depuis sa fuite au Cameroun le 24 mars 2013, François Bozizé multiplie les déclarations, poussant l’outrecuidance jusqu’à déclarer qu’il ne se reproche rien de ce qui se passe en Centrafrique. Cependant s’il y’a quelqu’un qui a fait du mal aux Centrafricains c’est bien François Bozizé. Ne remontons pas plus loin qu’en 2003, c’est lui qui a amené les Zakawa tchadiens en Centrafrique pour l’aider à prendre le pouvoir. Au lieu de payer ces mercenaires et débarrasser la RCA de ces desperados à la gâchette facile, il les conserve, en incorpore bon nombre dans l’armée. Sa garde rapprochée était constituée de ces éléments qui ont longtemps guerroyé au Tchad voisin.

En dix ans, il n’a jamais tenu sa promesse de la restructuration de l’armée. En dix ans, il n’a jamais réussi à former une armée républicaine. Il s’est contenté de protéger son fauteuil par des forces étrangères et ne soufflait mot quand sa garde prétorienne commettait des exactions sur la population civile. Bozizé, qui aujourd’hui accuse la Séléka d’être constituée d’étrangers qui veulent annexer la RCA, était le premier a les amener en Centrafrique, à défendre et officialiser leur présence sur le sol centrafricain. Son fils déclarait même un jour qu’il y a des Centrafricains qui se croient plus Centrafricains que d’autres pour s’en prendre à ceux qui se plaignaient des exactions de ces barbares. La RCA a reçu huit milliards pour le programme « Désarmement, Démobilisation et Réinsertion ». Bozizé a dépensé cet argent sans désarmer les factions rebelles. Ce général d’opérette a commencé à réagir seulement quand la Séléka était à la porte de Bangui et quand son fauteuil a été menacé. Et même jusque-là, il avait encore la possibilité d’éviter à la RCA le K.O qu’elle connait en ce moment en respectant à la lettre les accords de Libreville au lieu d’écouter ses griots et former un gouvernement bis. Tel est prit qui croyait prendre. Il aurait même pu démissionner et permettre une transition démocratique débouchant sur des élections anticipées, mais non il a choisi l’affrontement. Au finish, lui s’en sort avec sa famille et les pauvres innocents payent pour ses frasques.

Passons au successeur de Bozizé, Michel Djotodja Amnon Droko. Jusqu’à dernièrement il passait à coup sûr inaperçu au milieu d’une foule à Bangui. Comme Bozizé, il a longtemps fantasmé à propos du fauteuil présidentiel. Pour sortir de l’anonymat et réaliser ce rêve, il choisit la rébellion. Il débarque à Bangui sans feuille de route, sans savoir ce qu’il faut faire. Il ne contrôle pas la coalition qui l’a porté au pouvoir. Au sein même de cette coalition, il a un problème de légitimité.
La Séléka est constituée de toute la racaille qu’on pouvait trouver en Centrafrique, au Tchad en passant par le Soudan. Des factions rebelles qui ont leurs propres chefs et qui n’obéissent qu’à ces derniers. Djotodja n’a pas un rond, pas un centime,  il attend l’aide de la Communauté internationale pour payer ses soldats et les fonctionnaires qui vont enregistrer deux mois d’arriérés de salaire cette fin de mois. En attendant il ne peut pas les désarmer, ni les cantonner. Il joue des coudes pour prouver à l’opinion nationale et internationale qu’il existe des milices à Bangui et que la Séléka n’est pas la seule responsable des crimes, pillages et autres exactions perpétrées sur la population centrafricaine. Seulement, la majorité des pillages se font en plein jour: les objets sont emportés dans les véhicules confisqués par la Séléka, les objets volés déchargés dans les concessions habités par la Séléka.

Le désarmement prétexté pour piller à Boy-Rabe, qui s’est soldé par des affrontements entre la population et la Séléka, était organisé par la Séléka elle-même. Et si ces habitants courageux étaient des milices avec des armes automatiques, ils n’auraient pas attendu que la FOMAC désarme deux éléments de la Séléka avant de s’attaquer à eux. L’archevêque de Bangui s’est indigné des pillages dans un orphelinat, l’Union des Eglises Évangéliques des Frères a écrit une lettre ouverte à Michel Djotodja, dans laquelle elle déplore les exactions sur la population et particulièrement les chrétiens un mois après son putsch.
La roquette tirée sur une église, tombée sur un terrain de football et blessant des enfants, sont les faits des rebelles qu’Amnon Droko n’arrive pas à contrôler. Il est prit en otage par ses propres éléments, il sait qu’il risque la Cour Pénale Internationale. Alors il fait des sorties comme celle de ce samedi 27 avril pour montrer aux journalistes 75 armes automatiques qu’il aurait trouvé entre les mains de milices. Sic ! Monsieur Dotodja n’est pas au courant que toutes les poudrières et armureries de Bangui ont été détruites à son arrivée, que toutes les prisons depuis les villes de l’arrière-pays qu’il a conquise jusqu’à Bangui sont détruites, qu’ici même à Bangui des gens de moralité douteuses ont intégré la Séléka et qu’il y a plus d’armes à Bangui que de poisson dans l’Oubangui ?

Venons-en à la classe politique centrafricaine. Tous ceux qui constituent aujourd’hui le CNT (Conseil National de transition), ou le gouvernement, étaient soit des opposants au régime de Bozizé, soit des membres de la société civile. Du coup, personne ne fait plus de déclaration, plus de dénonciation quand il y a exaction sur la population. Seuls ceux qui n’ont pas été associés au CNT ont des mouvements d’humeur… Pour avoir des représentants dans le CNT. C’est aujourd’hui que certains centrafricains comprennent, cela a toujours été une histoire d’intérêts égoïstes, leur bien-être a toujours été le cadet des soucis de tout ce beau monde. Ils jouent tous la carte du politiquement correct, d’autres se voient déjà Président de la République après la transition. Ils n’offensent personne, ne condamnent pas les exactions de la Séléka et corroborent la thèse des milices de Bozizé. Nous avons déjà consacré un billet à la classe politique centrafricaine dans notre précédent post.

La Séléka…Une coalition infernale composée de tout sauf de rien. Les nouveaux maîtres de Bangui n’y vont pas de main morte pour  prouver à qui l’aurait oublié que c’est désormais eux qui commandent. Il ne se passe pas un jour sans que quelqu’un ne meurt, qu’il ne se produise un accident de circulation, que quelqu’un se fasse passer à tabac par le fait des éléments de la Séléka. Ils sont soit d’anciens éléments du Général rebelle tchadien, Baba Ladé, soit des éléments de l’UFDR (les rebelles de l’ethnie Goula, l’ethnie de Michel Djotodja), soit des éléments de la CPJP (constituée des Roungas qui se battaient avec les Goula de Djotodja), soit des Soudanais, des braconniers, coupeurs de routes. Des commerçants tchadiens, des délinquants et quelques anciens militaires.
Il faut vivre en Centrafrique pour comprendre toute la terreur qu’inspirent ces hommes. Pillages, vols, viols, séquestrations. Leurs exactions dépassent celles des Banyamouléngué et des libérateurs Zakawas réunis. Cela dure depuis un mois à Bangui, plus d’un mois à Damara, un peu plus à Sibut, et plus longtemps encore dans les zones qu’ils ont occupées au départ.

Enfin les Centrafricains. Fatigués de mourir en silence, certains se fâchent, s’attaquent même aux Séléka juste avec des cailloux. C’est le cas des habitants de la ville de Yaloké, qui se sont révoltés contre la faction soudanaise de la rébellion qui tue, vole, viole et se transforme en braconniers tuant en deux semaines 45 éléphants dans l’espace protégé de la région.
Une réunion s’est tenue entre les notables de la ville et les chefs de la Séléka pour éviter le pire parce qu’un habitant de Yaloké a déclaré sur les antennes de Ndeke-luka :

« Vu que les habitants sont abandonnés par les nouvelles autorités, ils vont mourir en se protégeant eux-mêmes des Séléka ».

Une vraie déclaration de guerre venant de simples paysans. Mis à part ces cas isolés de résistance, et quelques milliers de Centrafricains qui ont marché en France pour protester contre les exactions de la Séléka, il ne faut pas rêver. « Il n’y’aura jamais de printemps centrafricain», me dit un compatriote.

Oui, tu peux soudoyer et réunir des milliers de personnes pour faire une marche de soutien à un tyran mais tu n’en trouveras pas cent pour marcher et exiger une alternance démocratique. Les accords politiques se font et se défont, les alliances se créent et se disloquent, le peuple centrafricain s’enfonce toujours dans l’extrême pauvreté. Les Centrafricains sont toujours le dindon de la farce. Ce peuple n’est pas maître de son destin, et il n’est pas prêt de le devenir. Comment réunir les Centrafricains de tous les coins du monde en un jour à une même heure pour manifester et dire « y’en a marre » ? Allez savoir…

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Commentaires

diodio
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Je suis vraiment désolée pour ce qui se passe au Centre Afriqe.
Vraiment nos dirigeants africains doivent penser aux personnes qui meurent comme ca
ca retarde le continent